La vache erre qui rit
La vachère qui rit !
Giboulées d'avril, la fermière sortit peu vêtue
Poussant son troupeau de charollaises
Dans la ruelle du village trop exigue
" L'étrangère " était déjà tout à son aise
Elle aimait faire loucher le vieux du village
Ne sachant que faire de ses journées
Si longues. Toute sa vie il resta si sage
Que dorénavant il comptait en profiter
A tout moment, même sous ce soudain grésil...
Il poussa les traînardes et grosses ruminantes
Lui il l'aimait l'ex bourgeoise de la grand' ville
A la démarche facile, à la tenue troublante
Il caressait les croupes attardées de son bâton
Se sentit revigoré par la pluie qui fouettait
Par la vue imprenable du large balcon
Que la délurée novice vachère exhibait...
Elle avait repris ses terres et son troupeau
Au nez et à la barbe de tous les voraces
Paysans de ce village, froids et cathos
Il en était fier, c'était pour eux le coup de grâce
Elle était devenue sa confidente, sa complice
Son soleil, soudain apparu l'arc-en-ciel
Ils allaient goûter bientôt au bol des délices
Dans l'herbe mouillée, presqu'une lune de miel... !
Le bateau n'est plus seul " ivre "....
Le chasseur ivre
La plaine somnole encore en ce début d'hiver
L'orée des bois guette l'évanouissement des brumes
Meusiennes, l'Ardenne est proche mystérieuse et fière
Loin de ces cités urbaines, semées de bitume...
Ce jeune chasseur, mais qu'a t-il à rêvasser
Attendri, songeur, accoudé sur son fusil
Pense t-il à sa promise, à sa bien aimée
Il semble ailleurs dans une inconnue galaxie
Ce n'est pourtant que le réveil, de bon matin
Sensément, diable, il n'est pas encore enivré
Il fait pitié, on dirait un tendre lapin
Harassé, penaud, un jour de chasse apeuré
Le souffle du vent lui caresse sa douce joue
Ce vent qui chasse les derniers nuages embrumés
Mais lui reste suspendu à ses songes plutôt flous
De fêtard et de séduisant jeune premier...
Il cuve sa nuit tout en folie et fiévreuse
Alcoolisée, enivrante, riche en émotion
Il laissait aller ses mains plutôt baladeuses
Nonchalamment vider de multiples canons
Il repense à son joyau, à sa fiancée
Au lit depuis belle lurette attendant son heure
Il s'en veut, regrette, il n'a pas pu assurer
Depuis son tôt lever, il ressasse son malheur
Braillements, hurlements, à la houe, à la houe !
Soudain notre rêveur sort de sa léthargie
Un surhumain effort et le voilà debout
Avec peine, il fait le vaillant, prend son fusil
Mon Dieu c'est pas possible, c'est une énorme bête
C'est pour moi, est-ce une femelle, un mâle ?
Vous savez pas vous, mais chasseur, c'est un casse-tête
Surtout aujourd'hui, de quoi en perdre les pédales
C'est un gros, ça c'est sûr, il devient soudain blême
Un mâle largement le quintal, j'ai le droit
De le tuer même si c'est notre bel emblème
Si je réussis, pour sûr je serai le roi
Il ferme les yeux se concentre, imagine
Sa promise l'attendant au retour, attendrie
Il tremble, sur son front la sueur dégouline
Il se dresse, se cale, s'énerve, reprends ses esprits
Le sanglier détale, fonce, il est déjà loin
L'émotion devient à son comble, palpable
La gloire est pour lui, il vise avec le plus grand soin
Sûr de lui, la mine étonnamment confortable
Pan, pan percent la campagne, deux coups suffisent
Deux coups de maître à largement plus de cent mètres
Le sang gicle, par le groin, le héros ne balise
Pas, il jubile, il sait, ressent un fou bien-être
Les autres accourent, affamés, couteaux en main
Car sait-on jamais, pour plus de sécurité
L'animal est rusé, il peut être très malin
Comprenez ! Donc même mort vaut mieux l'achever !
Le spectacle est inhumain, gisant dans son sang
Le brave et innocent animal a succombé
Sans défense, sauf ses seules pattes, il partait perdant
Face aux chasseurs féroces et jusqu'aux dents armés
Ames sensibles s'abstenir, sûr, point dans ce milieu
Masculin, un peu macho, viandard et fêtard
La bande s'apprête déjà à un festin joyeux
Où coulera à flots un bon petit pinard
Notre " héros " s'est évanoui, vite la gnole !
Olive le goupilleux, Bébert dit la bouteille
Ont prévu, eux les anciens ont toujours la fiole
En cas de panne sèche, ou d'une trop longue veille
Le gamin est allongé, on lui ouvre la bouche
Lui fait couler sur la langue du précieux breuvage
Il ouvre les yeux, sourit, tout le monde le touche
Il est sauvé, ça mérite un bon arrosage !
" Tout le monde à la cabane " hurle le président !
C'est un ordre, l'heure de l'apéro est avancée
On va fêter le dépucelage, cet événement
Le premier " gros " de Nicolas, allez, tournée !
Les " couleurs treillis " jaillirent des marais, des bois
Traqueurs crottés, tireurs frustrés, au son des chiens
Dansant une folle farandole de mauvais aloi,
Les mines réjouies se prenant pour des gars biens
Le bar de la cabane est envahi, ça braille
Les rares filles sont prises d'assaut, elles deviennent déesses
Les bouchons sautent volent dans une joyeuse pagaille
On boit, on trinque, et hop une petite main aux fesses !
Dehors les chasseurs bouchers, leurs couteaux aiguisent
Ils vont trancher la viande encore chaude du gibier
Savourant sans gène un bonheur tout à leur guise
Après tout ces bêtes sont nées pour être mangées
La choucroute arrive sur les tables dans une ambiance
De folie, a qui mieux mieux fera le malin
Mimera le tir victorieux du môme en jouvence
Grimacera, boira encore plus que son voisin
L'après midi s'écoule, le vin aussi, " silence " !
Vocifère le chef ! " Je vous interdit de chasser
Cet après-midi, faisons encore plus bombance,
Ze veux vous voir toutes et tous ivres ou bourrés " !
Et notre sombre héros affalé dans le fauteuil
Rotant, hagard, rêvant à nouveau de sa muse
Il la voit, superbe, même si ce n'est que d'un oeil
Arriver, impériale, au son d' la cornemuse
Il sursaute, n'en croit pas son oeil, la belle Lorraine
En sabots exhibant son décolleté gracieux
S'avance, fière et légère vers son prince, aubaine
Lui se levant, royal, pour le baiser fougueux...